Résumé : |
(Auteur) Le XXIème siècle voit la carte s'introduire dans tous les aspects de la vie quotidienne par les NTIC et cela partout dans le monde. Cette popularisation spectaculaire s'est accompagnée d'une incontestable dégradation de sa qualité du point de vue de la sémiologie graphique [SG], c'est-à-dire de son efficacité à traiter et transmettre des informations spatialisées. Constat d'autant plus surprenant que l'informatisation des traitements cartographiques a permis la création d'outils d'une puissance et d'une richesse inimaginables il y a peu. Le réexamen des productions cartographiques de Jacques Bertin, fondateur de la SG, de ses collaborateurs et disciples révèle la qualité et l'inventivité des traductions cartographiques d'avant l'ère informatique. Les premières tentatives d'informatisation des méthodes graphiques apparaissent aussi beaucoup plus créatives que les développements logiciels ultérieurs. Ce réexamen mène à constater que des pans entiers de la SG pourtant considérés comme essentiels par son fondateur sont tombés dans l'oubli ou presque. Le traitement graphique multi-varié d'abord, indûment perçu comme concurrent des processus statistiques alors qu'il en était complémentaire. Tout ce que l'on pourrait regrouper, ensuite, sous le terme d'ergonomie visuelle d'un document graphique : présentation, format, mise en page, etc. Les améliorations attendues par l'informatisation n'ont eu lieu qu'au début, lorsque les cartographes devenus programmeurs par nécessité exploraient eux-mêmes les possibilités des nouveaux outils. L'avènement de l'ordinateur a imposé une norme, unifié la nébuleuse informatique et amené l'industrialisation du logiciel. La logique du marché a poussé les fabricants à commercialiser des produits généralistes automatisant toutes les recettes cartographiques existantes, efficaces ou non visuellement. Cela a fortement contribué au recul de l'approche sémiologique, les utilisateurs non formés suivant avant tout les habitudes acquises. L'apparition de "l'infographie" a ajouté à la confusion, faisant passer définitivement l'esthétisme avant la rigueur, au moins dans les publications grand public. Dans ce contexte actuel troublé, la SG n'a jamais été plus pertinente. Elle a pourtant du mal, depuis la montée de l'informatique de masse, à trouver le second souffle dont elle aurait besoin pour faire valoir l'intérêt universel de ses méthodes et son utilité dans les NTIC. Son enseignement en toute logique aurait dû connaître un regain d'intérêt, de fait étouffé par l'omniprésence tapageuse de l'infographie. Or nous savons que la SG est la seule à fournir des contrefeux efficaces à la "cacographie" ambiante. Est-il possible de remonter la pente ? L'expérience a démontré que les vrais utilisateurs de cartes - ceux qui leur posent de vraies questions, chercheurs, décideurs, etc. - voient immédiatement l'intérêt des traductions sémiologiques qui apportent les réponses dont ils ont besoin. La généralisation actuelle de l'utilisation des cartes d'un côté, l'accroissement exponentiel des informations disponibles de l'autre, imposant une étape indispensable de data mining (réduction en langage SG) redonnent un intérêt aux traitements graphiques sémiologiques. Encore faut-il qu'ils soient pratiqués dans toute leur rigueur et leur complétude, ce qui ferait redécouvrir leur puissance réelle et leurs potentialités. Et qu'ils bénéficient d'outils logiciels mieux adaptés que ceux existants. Les logiciels "open source" rendent possibles le développement de tels outils. Le défi qui est devant nous : comment enseigner la sémiologie au temps de Goole Maps, Bing Maps, OpenStreetMap, Tablo data mining, etc. et de leurs centaines de millions d'utilisateurs ? L'ébauche d'un plan de bataille est proposée pour redonner à la SG la place qu'elle devrait occuper. L'explosion des NTIC offre une occasion idéale de lancer cette reconquête. |